Autisme / Asperger : Janet conteste Bleuler
Article mis en ligne le 22 septembre 2018

par Isabelle Saillot
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En 1911, Bleuler crée le concept d’autisme et en fait l’un des symptômes de la schizophrénie, une pathologie qu’il pense de nature dissociative. En 1927, Janet conteste la nature dissociative de la schizophrénie, et donc, de l’autisme. Pour lui (qui est l’auteur du concept sous sa forme moderne), la dissociation correspond à une amnésie, celle d’un événement traumatique c’est-à-dire d’une certaine période de la vie. Comme la plupart des autistes ne sont pas amnésiques, ils ne sont pas dissociatifs.

Chez Janet, l’autisme est une psychasténie, c’est-à-dire une forme complexe de fatigue. Dans cet état permanent d’épuisement, les actions primaires, celles qui constituent nos réactions aux stimulations extérieures, restent correctes. Mais les actions secondaires, qui sont les régulations des actions primaires, deviennent défaillantes par manque de force (de tension). Les actions secondaires sont les actions qui augmentent ou atténuent les actions primaires : le fait de prendre conscience d’une action secondaire caractérise ce qu’on appelle l’émotion. Les autistes éprouvent donc, selon Janet, beaucoup de mal à ressentir les bonnes émotions au bon moment. Cet état n’est pas spécifique de ce que Bleuler appelle l’autisme, mais il est caractéristique de la psychasténie, ou fatigue complexe, ou dépression. Inversement, les idées, les pensées, les imaginations, nécessitent moins de force et de tension que les « actes des membres » consacrés à modifier la réalité extérieure par nos forces : dans ce syndrome ils se développent donc librement et peuvent occuper une partie considérable de la vie intérieure. Pour Janet, en quelque sorte, l’autisme – donc la psychasténie – prédispose au génie.

Dans De l’angoisse à l’extase, puis en 1927 dans le Journal de psychologie de la Société de psychologie (qui deviendra en 1947 la Société française de psychologie), Janet présente deux cas cliniques qui montrent que la schizophrénie de Bleuler, et le symptôme d’autisme qu’il lui attribue, ne correspondent en fait qu’à des psychasténies, c’est-à-dire à des états quasi permanents de fatigue complexe ayant pour manifestations principales des retenues à l’action, des angoisses d’agir, des doutes et des ruminations, et une gestion problématique – voire chaotique – des émotions (actions secondaires) : ces sujets apparaissent souvent « indifférents », ce qu’ils ne sont pas. Soixante ans avant la caractérisation du syndrome d’Asperger, Janet avait indiqué l’essentiel.

I. Saillot – septembre 2018.

Un court extrait de De l’angoisse à l’extase (T. II-4 « Les introversions », 1926).



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