O. van der Hart réintroduit Janet en Europe !
Article mis en ligne le 7 juin 2011

par Isabelle Saillot
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La redécouverte de Pierre Janet commence aux États-Unis dans les années 70 dans le double domaine de la dissociation (ancienne hystérie) et du trauma.

Onno van der Hart fait partie des tous premiers européens à prendre connaissance de ces travaux anglophones, et apprend alors le français pour pouvoir lire lui-même Pierre Janet.

En 1980 le manuel de psychiatrie américain (DSM-III) intègre les premiers résultats de ces recherches cliniques inspirées de la relecture de Janet, sous les catégories de troubles dissociatifs et de stress post traumatique. À la fin des années 80, avec une poignée de collègues, Onno van der Hart devient le principal artisan de la ré-introduction de Pierre Janet en Europe, principalement par les Pays-Bas, le Royaume Uni, l’Allemagne et la Belgique.

Tandis que de nombreuses sociétés internationales se créent alors autour de la dissociation et du trauma, mettant chacune, ouvertement, les travaux de Pierre Janet à l’origine fondatrice de ce nouveau domaine de recherche, Onno van der Hart participe activement au bureau de plusieurs d’entre elles, et en particulier p réside plusieurs années l’ISTSS (International Society for Traumatic Stress Studies). Les travaux cliniques se multiplient à l’échelle internationale et ceux de Onno van der Hart restent jusqu’à nos jours une des principales références, et parmi les plus cités.

En 2006 avec Kathy Steele (USA) et Ellert Nijenhuis (Pays-Bas), Onno van der Hart publie The Haunted Self (Norton), fruit de 20 ans de pratique clinique avec des patients traumatisés et dissociatifs, fondé sur les travaux princeps de Janet et la "psychologie janétienne de l’action". Ce livre, actuellement reconnu comme le Manuel de Référence du domaine, vient d’être traduit en français sous le titre "Le soi hanté", avec ma collaboration pour le lexique janétien et vient d’être publié (juillet 2010).

The Haunted Self présente les travaux de Pierre Janet dans leur contexte historique, puis propose leur relecture à la lumière des connaissances neurocognitives acquises depuis. On voit ainsi comment la psychologie dynamique de Janet se montre encore capable, de nos jours, de rendre compte des témoignages et de la conduite des patients tout en étant soutenue par les derniers travaux de neurochimie et d’imagerie fonctionnelle, dans une perspective intégratrice de ces différentes approches. Les travaux princeps de Janet et leur intégration aux savoirs récents permettent aux auteurs de proposer une refonte majeure des catégories diagnostiques du DSM. Si ces catégories ont été utiles pour susciter un nouveau et immense volume de recherches cliniques janétiennes depuis 1980, ce sont précisément les résultats de ces travaux qui incitent maintenant à revoir le manuel : conformément aux modélisations de Janet, les troubles post-traumatiques, les
troubles somatoformes et les troubles dissociatifs du DSM, en pratique, constituent le plus souvent une seule et unique entité nosographique ayant la dissociation traumatique de Janet comme facteur causal unifié. Une erreur principalement due, expliquent les auteurs, à ce que les recherches cliniques, depuis Janet, ont assimilé la dissociation à un défaut d’intégration ou à un état de conscience modifié, tandis que la définition de Janet comportait aussi des divisions de la conscience, des groupes dissociés de fonctions psychologiques, bref des parties de personnalité morbides, émancipées et subconscientes par rapport à la personnalité principale, cette structure ayant été oubliée des travaux ultérieurs.

Dans leurs articles de recherche depuis 20 ans et maintenant dans The Haunted Self, Onno van der Hart et ses collègues montrent comment, souvent, les catégories disjointes du DSM ne constituent en fait, du point de vue psychopathologique, que les différents degrés de gravité de la pathologie dissociative définie par Janet dans les années 1880. Par ordre de gravité (et en simplifiant) : ASD, PTSD et BPD, DID et psychoses. La théorie de la dissociation structurelle (SDP) de Onno van der Hart & al. fait correspondre à chacune de ces catégories diagnostiques un degré de gravité de la dissociation de la personnalité en parties apparemment normales (ANP) et parties émotionnelles (EP) : une ANP et une EP pour les ASD, une ANP et plusieurs EP pour les PTSD et BPD, plusieurs ANP et EP pour les DID et psychoses.

Outre la présentation historique, clinique et étiologique des troubles dissociatifs, The Haunted Self présente aussi - pour la première fois - le traitement de référence, le "phase oriented treatment" directement inspiré des méthodes pluridisciplinaires de Janet.

Paradoxalement, la France qui a vu naître ces modélisations sous la plume de Pierre Janet dans les années 1880 est l’un des pays restés le plus à l’écart de ces nouvelles recherches. Les psychologues et les psychiatres n’y étant pas formés, les patients dissociatifs sont peu ou mal diagnostiqués, et ne bénéficient donc pas des traitements les plus adéquates, pourtant bien formalisés actuellement. L’IETSP, centre de formation en psychothérapie basé à Paris est le seul centre français à inviter O. van der Hart comme formateur, depuis 2010.

I. Saillot.

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