TROUBLES DISSOCIATIFS (...), DUNOD, mai 2012 : quelques extraits de mon chapitre (3)
Article mis en ligne le 25 septembre 2018

par Isabelle Saillot
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Quelques extraits du paragraphe « DISSOCIATION/ASSOCIATION EN FRANCE JUSQU’À RIBOT ». Section 100% histoire réalisée en compilant de nombreux articles et chapitres d’historiens... tous dûment cités !


DISSOCIATION/ASSOCIATION EN FRANCE JUSQU’À RIBOT

Dans la 2ème moitié du 19ème siècle, les observations sur les traumatismes, sur l’hystérie, les expériences de magnétisme et d’hypnotisme et enfin celles sur les « doubles consciences », prennent place à l’intérieur d’un cadre général de pensée, qui est en France celui de l’associationnisme. L’associationnisme va contribuer à créer le cadre théorique général susceptible d’englober toutes ces observations : les maladies mentales pourront avantageusement être placées sous la conception de lacunes de l’association des idées, ou d’une défaillance de la faculté à les associer (Serge Nicolas, 2002).

Comme le rappellent également Andreason et Akiskal (1983) la tradition philosophique empiriste, selon une filiation de Locke à Condillac, inspirait encore les psychologues des années 1850. En effet l’héritage des idéologues reste vivant chez les psychologues de l’école éclectique, en particulier Victor Cousin et l’un de ses plus influents disciples qui n’est autre que l’oncle de Pierre Janet, le philosophe Paul Janet (1823 – 1899). Selon cette lignée de pensée l’« association », ou l’« association des idées », était vue comme le moteur du développement de la pensée aussi bien au niveau ontologique qu’au niveau phylogénique (l’acception littérale de la loi de Haeckel conduisait à postuler l’identité des deux types de processus, selon la formule trop célèbre « l’ontogenèse récapitule la phylogenèse »). (…)

Cette prééminence de l’association des idées explique que de nombreuses pathologies aient pu être perçues comme le revers de la médaille : un défaut de la capacité associative, ce que Jung et Bleuler à la suite de la grande synthèse classique, appelleront bientôt un « relâchement des associations ». En outre la récapitulation de Haeckel et la vision spencérienne très particulière de l’évolution, mi-darwinienne, mi-lamarkienne, inspirent au neurologue Huglins Jackson de promouvoir le concept pseudo-évolutionniste de « dissolution » des fonctions, entendu comme l’inverse de leur évolution, c’est-à-dire leur involution. Dans le contexte associationniste français, cette « dissolution » trouve immédiatement une place toute naturelle en venant avantageusement remplacer l’ancienne notion largement consensuelle mais rapidement datée de « dégénérescence » à la Magnin & Forel. Revisitée à la française, la dissolution de Jackson prend rapidement l’allure d’une désagrégation qui n’a pour autre synonyme que la « dissociation des fonctions », et comme le signale Claude Prévost (1973) « toute la psychiatrie française devient Jacksonnienne ».

(…) À partir de ce moment Ribot joue un rôle majeur dans la reconnaissance institutionnelle de la psychologie en France : il est souvent considéré aujourd’hui comme le fondateur de la psychologie française (Serge Nicolas, 2005). De la « psychologie anglaise » (surtout Spencer), il retient l’approche associationniste selon laquelle les phénomènes psychologiques, sentiments, perceptions, idées, mouvements, sont constitués par association d’éléments simples : la maladie mentale, en brisant les associations entre ces éléments, a l’effet d’une « dissolution » du psychisme. Suivant le neurologue spencérien Jackson, il appelle « dissolution » du psychisme ce processus morbide. De la « psychologie allemande » (surtout Wundt) il retient l’approche expérimentale et la nécessité, pour la psychologie moderne, de renoncer à l’introspection, en faveur de recherches empiriques en laboratoire. Ces livres positionnent Ribot comme le pionnier de la psychologie expérimentale en France et les positions de Ribot influencent fortement – entre autres – Charcot et Janet.

Isabelle Saillot.


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